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Selon un rapport sénatorial, la loi sur l’autonomie des universités n’a pas atteint ses objectifs - Isabelle Rey-Lefebvre, 1er avril 2013

lundi 1er avril 2013, par Mademoiselle de Scudéry

Sans blâaaaaaague…

Deux sénateurs, l’une de gauche, Dominique Gillot (PS), l’autre de droite, Ambroise Dupont (UMP), viennent de livrer leur bilan de la loi Liberté et responsabilité des universités (LRU) du 10 août 2007, l’un des textes phares du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Cinq ans après son adoption et le choc culturel qu’elle a provoqué, elle n’a pas produit les effets attendus, même si une dynamique de changement a été enclenchée.

L’un des objectifs de la loi était de rendre les universités responsables de leur gestion en leur transférant le budget global jusqu’alors géré par l’Etat, incluant dépenses de personnel et de fonctionnement, afin qu’elles l’utilisent de manière plus judicieuse.

Sur ce plan, les sénateurs ont mesuré à la fois la déception des universitaires – puisque les dotations de l’Etat n’ont pas couvert l’augmentation quasi mécanique des dépenses – mais aussi leur inexpérience : "Les universités, en 2007, n’avaient, sans offenser personne, aucune culture de la gouvernance opérationnelle, de la gestion prospective et du pilotage budgétaire et financier", assène le rapport. Or, "de 2009 à 2012, les services centraux du ministère ont contemplé passivement le passage des universités à l’autonomie. Aucun outil de suivi et de support n’a été mis en place afin de les accompagner (...). L’Etat a manqué à ses responsabilités (...) et ne maîtrisait pas lui-même le concept d’autonomie".

LES ÉTUDIANTS OUBLIÉS

En 2012, moins d’une dizaine d’universités, sur 80, avaient mis en place une comptabilité analytique. Le rapport montre aussi que les universités, grisées par leur nouvelle autonomie, ont recruté beaucoup de contractuels et que ces précaires représentent aujourd’hui 30 % des personnels.

La loi LRU accorde aux présidents d’université le pouvoir de distribuer des primes d’excellence scientifique, de 2 000 à 4 000 euros par an, aux chercheurs méritants et des gratifications aux personnels administratifs, mais il n’existe pas, regrettent les rapporteurs, de "prime d’excellence pédagogique" qui valoriserait le métier d’enseignant.

La marge supplémentaire de liberté pédagogique qui a accompagné l’autonomie des universités, avec l’envie de se différencier les unes des autres, les a aussi poussées à multiplier cursus et diplômes. Cette politique s’est révélée coûteuse et source de confusion : on dénombre ainsi pas moins de 3 600 intitulés de licences générales et professionnelles, dont certaines "sans lien avec les besoins économiques locaux et l’attente des étudiants", constate le rapport.

Côté recettes, les universités n’ont pas pu, comme la loi les y encourageait, diversifier leurs sources de financement, car les fondations créées ont peu rapporté. Le chiffre d’affaires dans le secteur de la formation continue reste faible : 220 millions d’euros cumulés entre les 80 universités, et 3 millions d’euros de taxe d’apprentissage "car l’ouverture des universités au monde professionnel reste marginale".

"INSUFFISAMMENT CONNECTÉ AVEC LE MONDE DES ENTREPRISES"

La loi LRU assignait en outre aux établissements une mission d’insertion professionnelle et d’ouverture aux entreprises de la région. Là encore, "le rapprochement entre universités et monde professionnel est balbutiant mais encourageant", jugent les sénateurs. "Certes, chaque université est désormais dotée d’un bureau d’aide à l’insertion professionnelle mais, dans beaucoup de cas, c’est un simple bureau, insuffisamment connecté avec le monde des entreprises."

Le rapport souligne la responsabilité des professeurs : "Peu d’enseignants chercheurs ont pris pleinement conscience du fait que les étudiants ont pour objectif prioritaire d’obtenir un emploi". Les auteurs montrent du doigt " certains universitaires qui pensent encore vivre dans un âge d’or de l’université, où orientation et insertion professionnelle ne font pas partie de l’état d’esprit de la communauté éducative ". Les sénateurs regrettent que les étudiants soient, à travers tous ces sujets, les oubliés de la loi LRU.

Au fond, ce rapport dresse, en filigrane, le portrait d’universités trop lentes à se réformer pour combler les attentes de la société.

À lire ici (pour vérifier que ce n’est pas un poisson d’avril !)